Une alternative dans un contexte de crise
Les effets de notre modèle de croissance actuels (dérèglement climatique, épuisement des ressources naturelles) semblent coïncider avec la difficulté que celui-ci a à se régénérer (déflation dans la zone euro et inflation galopante dans de nombreux pays, inégalités sociales en hausse, crises humanitaires, etc.). Le concept d’économie circulaire pourrait s’avérer être une réponse sérieuse aux problématiques environnementales tout en diminuant le risque que représenterait une décroissance économique. Ce concept ne cesse de glaner les partisans de tous horizons depuis sa création aux Etats-Unis dans le courant des années 70. A l’origine simple mouvement de pensée issu des milieux scientifiques et universitaires, le concept fut mis en applications par seulement quelques entreprises avant d’être admis par des penseurs économiques plus influents.
L’économie circulaire découle du constat pragmatique que :
- Le système actuel de production dit « linéaire » ne peut prospérer indéfiniment en raison de l’amenuisement des ressources non renouvelables
- Le traitement et la gestion des déchets générés par cette même méthode de production deviennent un problème majeur pour l’équilibre écologique mondial.
Son principe ambitionne de réviser le cycle de production en place qui consiste à « extraire, fabriquer, consommer, jeter », en joignant la première et la dernière étape dans le but de former une boucle. Il s’agirait non seulement d’optimiser l’exploitation et le stockage des ressources, mais aussi de développer un système capable de réutiliser les produits finis afin de favoriser une économie de « l’usage et non de la possession ».
Vers une nouvelle conception de la croissance
Dans ce contexte de crise systémique, l’économie circulaire semble être l’aboutissement d’une certaine prise de conscience des responsables politiques et économiques internationaux. Parmi ces derniers, pourtant frileux quant à l’engagement dans une démarche de transition éco-responsable lors de l’émergence du concept, certains se présentent désormais comme les collaborateurs les plus dévoués à cette nouvelle initiative. Ainsi Google, Cisco, H&M, Renault ou encore Unilever figurent parmi les partenaires de la très influente Ellen MacArthur Foundation alors qu’en France l’Institut pour une économie circulaire fondé par le député EELV François-Michel Lambert compte parmi ses fondateurs La Poste, GRDF ou encore le Syndicat de l’Industrie Cimentière, Fédérec et la Fondation Hulot.
Ce modèle réussi donc le pari de faire converger les intérêts des partisans d’une économie verte avec ceux sympathisant de la pensée économique dominante. Le concept sollicité par John Mackey de « conscious capitalism », semble marquer cette rupture idéologique et s’inscrire dans une logique plus « responsable ».
Éveil des consciences ou manœuvre conjoncturelle?
Ce mouvement, qui s’annonce être le premier pas vers un changement de paradigme mondial, s’inscrit dans ce que Jeremy Rifkin, appelle la troisième révolution industrielle. Une transition, d’après lui, d’autant plus nécessaire qu’elle est urgente. Ainsi le monde des affaires et de la finance, qui a pendant longtemps été divisé à propos de la problématique environnementale semble avoir pris acte des conséquences induites par la politique menée depuis le début du siècle. Cette situation a contribué à rapprocher des courants de pensées qui paraissaient difficilement conciliable il y a quelques années. Par la hausse des coûts environnementaux consécutifs à la raréfaction des ressources, la difficulté de leur extraction ainsi que du traitement des déchets, le choix d’une économie circulaire apparait comme logique.
Quelles opportunités pour les entreprises ?
Avec la promulgation de la loi sur la transition énergétique et la croissante verte, le contexte tend à favoriser la mutation des entreprises vers un modèle économique circulaire. En effet, une partie de cette loi y est spécifiquement dédiée et le premier décret d’application la concernant est paru dans le journal officiel du 31 décembre dernier. Ce dernier met en place un attirail de dispositions législatives concernant la gestion des déchets et vise notamment à simplifier les démarches des collectivités et des entreprises ; Ces mesures s’inscrivent dans une politique menée depuis plusieurs années qui tend à pénaliser la mauvaise gestion de déchets mais qui pouvait parfois s’avérer difficile à mettre en œuvre.
On peut néanmoins constater qu’il existe certaines barrières difficiles à surmonter pour les PME et les TPE, notamment lors de l’investissement de départ, qui peut s’avérer conséquent lors de la transition, pour un amortissement qui ne s’envisage que sur le long terme. Des efforts sont attendues de la part de l’Etat au niveau de la fiscalité ce qui permettrait aux entrepreneurs d’expérimenter ce modèle alternatif à une plus grande échelle. Pour les plus importantes, la transition pourra se traduire dans un premier temps par un changement de stratégie globale ainsi qu’une révision de l’ordre des priorités ; des concessions financières sont à prévoir. Reste à sensibiliser le public à de nouvelles habitudes de consommation, condition nécessaire à la réussite du projet dans son ensemble.
La transition sera très probablement graduelle mais il est sûr qu’à terme, choisir ce mode de production sera, pour une entreprise, un réel atout de valorisation économique en plus d’être le témoin d’une volonté de responsabilisation et de modernité. Bon nombre de signes semblent le démontrer : on peut citer la récente mise en place d’un master en management de l’environnement et du développement durable au sein de l’Ipag Business School de Paris. Il parait évident que dans un avenir proche l’enseignement public intégrera dans ses programmes les préceptes de ce nouveau modèle.
Applications à l’échelle internationale
Outre les initiatives des différentes fondations, instituts et leurs programmes respectifs, les organisations intergouvernementales réitèrent régulièrement leur intention de favoriser un meilleur traitement des déchets. Au sein de l’Europe, l’Allemagne fut pionnière en matière d’économie circulaire en instaurant la loi de 1994 sur la gestion des déchets dans un « cycle fermé de substances ». La Chine, en dépit de sa réputation en matière d’écologie, oblige depuis 2008 les collectivités territoriales à décliner l’économie circulaire au niveau local via des plans régionaux de développement et la création d’équipes dédiées.
D’autres pays comme les Pays-Bas (exemple du port de Rotterdam qui a récemment intégré le modèle circulaire dans son plan stratégique) ou le Japon ont également mis en place des mesures ayant des objectifs similaires en définissant des objectifs de « productivité matière » et de réduction de l’impact environnemental. Si la dynamique demeure globalement positive, il reste à convertir au niveau national les Etats-Unis, le Canada et d’autres pays émergents comme l’Inde ou le Brésil, aujourd’hui cantonnés à des initiatives privées au niveau local.
Sources :
Florence Roussel, Actu-environnement.com (2016)
Ministère de l’écologie du développement durable et de l’énergie (2015)
Commissariat général au développement durable (Janvier 2014)
Conseil général de l’environnement et du développement durable (Novembre 2014)
Natacha Cygler, Le Nouvel Economiste (2012)
- http://www.institut-economie-circulaire.fr/
- http://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/economie-circulaire/principes
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